air.laclasse.com

Accueil > Archives > 2011 > Troisième C Collège André Lassagne > une certaine tendresse

une certaine tendresse

mardi 31 janvier 2012, par Aline Sucrot

Après avoir relevé les différentes manières dont étaient désignés les jeunes de la bande dans le premier chapitre (« P’tits cons », « la racaille, la saleté », « Les petits cons de la corniche », « morveux », « ces gosses (…) des merdeux, des branleurs »), nous nous sommes demandé quel regard portait le narrateur (très difficile à ne pas confondre avec l’auteur !) sur ses personnages, c’est-à-dire, ce que « p’tits cons » induisait dans le style du livre. Réactions en vrac (je n’ai pas écrit les prénoms afin que vous ne soyez pas obligée de répondre individuellement !) :

« Personne ne les aime ces jeunes, les habitants de la corniche par exemple.
On est vu comme ça par les grands.
C’est un surnom, pas une insulte.
Ce n’est pas une insulte parce qu’il y a « p’tits », ils font des bêtises, mais ce n’est pas très grave. C’est un surnom amical et affectueux.
C’est assez humoristique, ça fait rire dans une livre.
C’est le langage qui fait sourire, ça change des autres livres, c’est plutôt drôle de voir des insultes.
On a tellement l’habitude d’entendre cela de nos jours que c’est devenu banal.
En même temps elle ne les aime pas parce qu’ils font des bêtises, en même temps elle les aime bien ; à un moment dans le livre, elle écrit : « ils sont beaux à voir » !
Elle les envie, elle aimerait bien faire partie de la bande.
« Merdeux » et « branleurs », ça devient plus vulgaire.
Elle est plus violente, elle les insulte.
En fait ça doit être les gens qui habitent-là qui disent ça, et elle, elle dit « les pt’its cons » parce qu’elle se retrouve peut-être en eux.
Je pensais qu’elle écrirait en langage soutenu avec les mots compliqués du début, mais elle commence à parler le langage des jeunes.
Maylis écrit en langage familier quand elle parle des jeunes et en langage plus soutenu quand elle parle des autres. C’est pour se mettre dans la peau des jeunes, pour mieux comprendre les personnages. »

Nous avons ensuite travaillé sur la phrase : « c’est un seul et même âge, celui de la conquête : on détourne la joue du baiser maternel, on crache dans la soupe, on déserte la maison » par petits groupes ; chaque groupe devait rédiger un paragraphe que nous avons ensuite « toiletté » ensemble. Nous avons également réfléchi au paysage comme métaphore de l’adolescence.

Hélène, Laura, Audrey & Sandra

Une corniche a une frontière stricte alors que l’adolescence commence et se finit à un moment indéterminé.
Une plage ressemble à l’adolescence car le plus souvent, la mer est calme (surtout en Méditerranée), les vagues, les jours de mistral font penser aux troubles de l’adolescence.
La mer et l’infini de l’horizon font penser à la liberté qu’un adolescent recherche.

Sylvain, Gaël, Florian, Rémi, Ryan, Aymeric.
Pour nous la corniche Kennedy reflète l’adolescence car elle est interdite & que la bande de jeunes y va quand même, c’est comme une infraction & les adolescents aiment faire des bêtises. Les jeunes veulent braver les interdits, dépasser les limites. Ils veulent se prouver qu’ils sont capables de surmonter leur peur.
La phrase ’’ c’est un seul & même âge, celui de la conquête [...] ’’ décrit bien l’adolescence car on montre moins d’affection maternelle (câlin, baiser...), on se rebelle quand nos parents nous font la morale comme dit l’expression ’’ on crache dans la soupe ’’ ; on sort avec les amis toute la journée : ’’ On déserte la maison ’

Anaëlle, Ilhème, Mélissa, Shanice.
L’adolescence est un passage qui nous permet de découvrir et d’apprendre. C’est un moment où l’on veut toujours allez au-delà de nos limites ; c’est la frontière entre l’enfance et l’âge adulte.
L’interdit nous attire, on se donne des défis pour prouver notre indépendance : on souhaite être libre, on tourne le dos à nos proches. Le désir de liberté nous détourne des volontés de nos parents.

Cléa, Mélanie, Johanna, Valentin, Cassandra, Loïc
Pour nous, l’adolescence est une transformation de soi : on change physiquement et mentalement.
On n’a plu le même rapport qu’on pouvait entretenir avec nos parents quand on était petit. Certains s’éloignent, « prennent le large », d’autres se rapprochent. C’est pour cela que l’on peut considérer cette transition comme une frontière « poreuse » vers l’indépendance. Personne ne la passe de la même manière : certains se révoltent, d’autres deviennent plus matures. Nous pouvons donc dire que l’adolescence est aussi un cap vers la maturité c’est pour toutes ces raisons que nous sommes d’accord avec votre réflexion sur l’âge de « la conquête ».

Messages

  • Bonjour,

    J’aime beaucoup le titre de votre message, il est fin et intelligent. Il est vrai que dans le livre, les expressions qui désignent les jeunes de la Plate sont plurielles et jouent sur une forme d’ambiguïté : "les p’tits cons" en est le meilleur exemple.
    Il faut d’abord parvenir à dissocier le narrateur et l’auteur, car ce n’est pas moi Maylis qui ici apparaît mais bien un narrateur, comme une sorte de "récitant", lui-même composé de plusieurs "voix".
    Dans ce texte, par exemple, "la racaille, la saleté" vient après l’évocation des habitants des immeubles au-dessus de la Corniche qui, eux, ne supportent pas les jeunes. On comprend qu’il s’agit de leur discours, de leur regard : à ce moment-là c’est donc leur voix que le lecteur "entend", et c’est pareil plus loin pour "des merdeux, des branleurs".

    Ailleurs, en revanche, quand il est question des "p’tits cons", c’est une autre voix qui s’exprime, celle d’un narrateur mais qui n’est pas neutre, et fait montre d’une "certaine tendresse" comme vous l’écrivez : "ce n’est pas une insulte parce qu’il y a « p’tits », ils font des bêtises, mais ce n’est pas très grave. C’est un surnom amical et affectueux. " C’est exactement cela.

    Parfois enfin c’est une voix émerveillée qui évoque ces jeunes : ils sont "beaux à voir", ils sont "princes du sensibles". Cette voix-là exprime autre chose qu’un agacement teinté de tendresse : elle prend parti pour les jeunes, elle magnifie leur grâce, leur animalité — "des poulains".
    Le style indirect libre permet cela : faire de la narration un feuilleté de voix.

    Je ne suis pas d’accord, en revanche quand vous dites : "Maylis écrit en langage familier quand elle parle des jeunes et en langage plus soutenu quand elle parle des autres." Ce serait penser que je fais une hiérachie dans les sujets : si on écrit sur des jeunes, on se lâche, si on écrit sur des sujets plus sérieux, on fait attention... Non ! Je crois même que l’évocation des jeunes de la Plate se fait dans un style soutenu (par exemple tout le premier chapitre, ou les scènes de plongeons).
    Cependant, il y a souvent, liée à l’évocation des jeunes, de l’oralité : des morceaux de conversations, de langage parlé, viennent s’infiltrer dans une phrase rédigée dans un style plus soutenu, car je voulais faire entendre la langue de ces adolescents.

    Hélène, Laura, Audrey & Sandra
    Vous avez vu la frontière strcite que pose une corniche, cette idée de limite qu’elle inscrit dans le paysage, limite entre terre et mer. Vous y avez ajouté l’idée de la plage plus floue, plus incertaine, qui correspond rait à cet âge dilaté "entre 13 et 17. Plus encore, vous avez vu cette chose essentielle : "La mer et l’infini de l’horizon font penser à la liberté qu’un adolescent recherche". C’est très important pour moi : quand j’ai décidé d’écrire ce livre sur l’adolescence et de le placer là, sur cette corniche, je voulais qu’il y ait d’un côté le monde de la ville, des lois des hommes et de l’autre la mer et l’horizon de tous les possibles, l’avenir infini et le monde de la sensation et de la liberté physique.

    Sylvain, Gaël, Florian, Rémi, Ryan, Aymeri
    C’est très juste là encore, ce que vous écrivez : la corniche c’est d’abord une limite géographique et qui dans le roman devient une limite symbolique. C’est le domaine des adolescents qui aiment flirter avec les limites, la loi, la prise de risque physique.
    Les adolescents de la Plate veulent éprouver cette limite, la trangresser, l’enfreindre. la dépasser, c’est prendre un risque mais c’est aussi se rebeller face à une loi.
    Et cela me fait plaisir que la phrase "C’est l’âge de la conquête… " sonne juste par rapport à votre propre adolescence.

    Anaëlle, Ilhème, Mélissa, Shanice.
    Ce que vous écrivez sur votre propre expérience de l’adolescence me touche : c’est au cœur même du livre. Il s’agissait pour moi, dans ce roman, de montrer, à travers la figure du plongeon, ce désir de liberté, d’un horizon nouveau, désir qui passe aussi par la pleine conscience que l’on a un corps. Cette idée de frontière justement est matérialisée et incarnée par la corniche au sens topographique puisqu’il s’agit d’une frontière entre terre et mer. Et qui dit frontière dit limite, dit transgression, et finalement, tout le roman se déroule et se joue sur cette frontière…

    Cléa, Mélanie, Johanna, Valentin, Cassandra, Loïc
    Ce que vous écrivez est très subtil et je suis enthousiasmée. J’espère vraiment que vous aurez retrouvé dans ce roman l’idée de la transformation de soi qui est au cœur de l’adolescence, l’idée d’une métamorphose physique qui accompagne une reconfiguration des relations.

    J’aime beaucoup l’idée que l’on se transforme au cours de sa vie, que l’on change : cela confirme que la notion d’identité est une notion en mouvement, que rien n’est jamais figé. C’est pourquoi, dans ce roman, les adolescents bougent sans cesse, ils plongent et chahutent, ils draguent et s’agitent : ils sont en mouvement et c’est ce mouvement-là que Corniche Kennedy essaye de capter, de transcrire.

    Vos lectures sont très riches et précises, c’est vraiment intéressant pour moi de vous lire. À bientot, Maylis

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?