Publication du 04.27.11

Les rennes mènent l’enquête, pages 81-101

Nous avons cherché à identifier les différents énonciateurs au fil de ces deux chapitres. La liberté du lecteur fut largement exploitée : un soigneur de singes, une petite fille, un psychologue, un philosophe, mais aussi un singe et même Dame Nature … extraits de ces interviews imaginaires :

M. Paulo Ranhoutan, Soigneur de singes

Un grand jeune homme vigoureux et agile. Même s’il exerce un métier quelque peu
dangereux, il ne risque rien grâce à sa carrure des plus étonnantes. En effet, il pourrait broyer les os de quelqu’un rien qu’en lui serrant la main. Lorsque j’arrive à lui parler, il est en train de distribuer la nourriture aux singes : « Si on veut qu’un orang-outan reste un orang-outan il faut interférer le moins possible, sinon, on l’humanise... »

Adèle Vérez

La jeune fille

Nous allons accueillir notre deuxième invitée, Marjory Rosentay. Cette jeune femme a
tourné dans la nouvelle adaptation de King Kong, qui sortira cet été. Marjory, parlez-nous du travail que vous avez dû accomplir pour endosser ce rôle. « En effet, j’ai dû effectuer un véritable travail d’analyse à partir des différents films. J’ai beaucoup regardé l’ancienne version. Le problème avec King Kong, c’est que vous ne savez pas si vous devez vous identifier à la jeune fille blonde qui, soit dit en passant, est lors d’une scène mémorable patiemment effeuillée par la bête jusqu’à la quasinudité, au jeune amoureux qui la sauve des mains énormes du gorille ou au gorille lui-même transformé en animal de foire et attaché par d’énormes chaînes à une potence plus grande que lui. »

Mélanie Colonnette

Un psychologue

À ce stade de ma recherche, je me suis dit que pour mieux décrypter la relation hommesinge, il fallait que je m’adresse à un psychologue. Il a fait le parallèle avec le personnage King Kong : « King Kong raconte notre rapport fantasmé aux bêtes, fait à la fois de répugnance, de désir, de crainte, de fascination... »

Louise Perche

Un prisonnier

C’est un ancien détenu, il m’explique qu’enfermé dans un monde clos, on ne cherche pas à se rappeler son passé. On veut fuir son ancienne liberté, on se soumet seulement à ses gardiens. « Si vous étiez un singe, si vous étiez en captivité, si vous saviez que vous ne pourrez plus jamais sortir, vous voudriez peut-être qu’on vous rappelle l’histoire de vos ancêtres, mais au bout de quelques temps, plutôt que de garder en vous cette inutile capacité de révolte destinée à rassurer les hommes
sur leur bonne volonté, vous préfèreriez oublier un passé qui ne vous servirait qu’à mesurer votre perte, vous préfèreriez vous humaniser. »

Alice Mugnier

Dame Nature

« Pour être moins malheureux, nous nous trahissons nous-mêmes. Les singes sont vos ancêtres, et c’est comme si vous enfermiez votre grand-père ou votre grand-mère dans une cage. Je vous laisse imaginer les dégâts. Il faut traiter les animaux comme les humains. Vous autres humains êtes en train de devenir vos propres captifs, car tout compte fait, vous êtes enfermés dans une bulle qui ne peut éclater sans l’aide de quelqu’un »

Rémy Barral